Toxique
"Mais il semble que désormais mes seuls rapports heureux avec moi-même, en dehors des autres êtres et des quelques moments d'exaltation ou de bien-être physique que la nature me procure, ne pourront être que littéraires." Françoise Sagan
Extrait de la note d'intention
À l'occasion de la réédition de Toxique (de Françoise Sagan), j'ai découvert une écriture concise, drôle et intelligente. Le journal de la cure de désintoxication d'une jeune femme de vingt-trois ans. Mais surtout, et c'est ce qui m'intéresse avant tout en portant ce texte à la scène, un regard de femme artiste sur l'acte créatif et la littérature.
J'ai tout de suite "entendu" et "vu" ce texte en le lisant et je suis convaincue de la pertinence de le porter à la scène. L'oeuvre est d'une grande force poétique tout en restant accessible et drôle. La force dramatique de l'écriture de Sagan est déjà là en filigrane. Dans son art de la description des personnages qui l'entourent, de ceux qui lui manquent et d'elle-même, elle développe une écriture étonnamment théâtrale dans ce journal.
La mise en voix de ce texte me paraît à la lecture évidente, tout comme bien sûr la volonté de ne pas "jouer" Françoise Sagan. Il ne s'agira pas d'un spectacle biographique, mais d'une variation sur les thèmes du manque, des dépendances, de la création, et de la place de l'artiste : "Je m'épie. Je suis une bête qui épie une autre bête au fond de moi."
Court texte "coup de poing", ce journal surprend et interroge en ce qu'il est tout à fait éloigné de ce que l'on connaît de la "petite musique" de Sagan. Ce qui frappe également à la lecture de ce texte, et sur quoi nous allons travailler, est le rapport à la solicitude et au temps auquel est confronté l'auteur : "J'avais seize ans. J'ai eu seize ans. Je n'aurai plus seize ans, moi qui me sens la jeunesse même. Je n'ai pas vieilli en fait, je n'ai renoncé à rien." Elle décrit aussi avec une rare justesse les sensations qui accompagnent la situation d'isolement que procurent la maladie et le milieu hospitalier.
La comédienne qui dira le texte sera accompagnée par une jeune musicienne et chanteuse de vingt ans qui, par son âge, sa présence, et son acte d'artiste musicienne sur scène en direct donnera un écho particulier au texte. Sorte de double agissant, elle mettra en relief et en perspective la parole de Sagan. Là encore il ne sera pas question par la présence de cette jeune musicienne de "figurer" Sagan.
Ce qui m'intéresse dans le fait de porter ce texte à la scène de cette façon, c'est aussi d'évoquer le destin e toutes ces femmes artistes qui ont brûlé leurs vies, qui ont entretenu un rapport viscéral à la création. S'interroger sur cette force de vie qui émane d'elles en même temps qu'une force de destruction, et sur la fascination que cela inspire. Une vie vouée à l'art, quoi qu'il en coûte. Une question qui traverse des générations d'artistes et qui construit des mythes : live fast, love hard, die young.
Anne-Sophie Pauchet
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