Insultes au public
Peter Handke a 23 ans quand il écrit Outrage au public en 1967, comme un cow-boy insolent, il a une vraie volonté de chambouler les codes de la représentation, de questionner la place de ceux qui regardent, leur faculté de jugement. Une vraie provocation pour l'époque, un "ovni".
La traduction littérale de Publikumsbeschimpfung est Insultes au public. Dans sa traduction en 1967, Jean Siegrid faisait le choix du titre Outrage au public sans doute pour annoncer un outrage aux formes théâtrales de l'époque. Je retiendrai le titre de Insultes au public pour ne pas méprendre les spectateurs d'aujourd'hui. Cette pièce n'a rien d'outrageant, mais convoque bel et bien le public pour un rendez-vous d'insultes!
On vous insultera car l'insulte est aussi une façon de vous parler. En vous insultant, nous pouvons parler directement. (...) Parce que nous vous insultons, vous ne nous entendrez plus, vous nous écouterez. (...) Parce que vous serez insultés, votre immobilité et votre fixité seront enfin à leur place. Mais nous ne vous insulterons pas, nous n'utiliserons que les insultes que vous utilisez, vous. Nous nous contredirons dans les insultes. (...) Comme vous êtes prévenus, vous pouvez aussi vous accomoder de ces insultes. Puisque le tutoiement représente déjà une insulte, nous allons pouvoir vous dire tu. Vous êtes le sujet de nos insultes.
Ce passage annonce pas moins de 13 paragraphes d'insultes au public avant de souhaiter "Bonne nuit" aux spectateurs.
Monter cette pièce en 2010 n'est pas simple si l'on ne souhaite pas en faire une pièce historique ou une "pièce document". Il est important pour moi de m'approprier les enjeux de l'époque pour voir quelles résonnances ils ont aujourd'hui, à nos âges, dans notre pays et au sein de cette société que nous construisons.
J'ai donc commencé à travailler sur la version originale avec Anne Monfort pour être au plus près de la langue de Handke, ce passage de l'allemand au français me rapproche de l'auteur et soulève une multitude de questions qui enrichissent nos discussions et nos imaginaires. Plus je travaille sur la nouvelle traduction et plus je sens comme un cri au public. Un cri pour nous maintenir en veille face à toutes ces inventions néfastes que nos société s'inflige à elle-même.
Insultes au public, comme une veille des codes de représentations que notre société réinvente au profit du marché. Décoder les représentations pour ne plus être spectateurs mais acteurs de notre temps.
En 2010, Insultes au public me permet de prendre notre société comme sujet en crise.
Arnaud Troalic
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